Texte de Serge Toussaint
Grand Maître de l’Ordre de
Depuis toujours, le secret, dans quelque domaine que ce soit, suscite la méfiance et la suspicion, car on pense a priori qu’il sert à dissimuler ou à cacher des choses mauvaises, négatives ou dangereuses. De nombreuses personnes l’associent à la «théorie du complot» et sont convaincues qu’il existe des organisations secrètes qui s’emploient à influer sur l’orientation du monde dans des domaines aussi variés que la politique, l’économie, la science, l’art, etc. Cette idée est d’autant plus répandue qu’elle est entretenue sur les réseaux sociaux et par certains médias, sans parler des films et des livres qui exploitent régulièrement ce thème.
Comme vous le savez, nous vivons une époque qui incite à tout dire, tout montrer, tout dévoiler, et ce, au nom du droit à l’information et de la «transparence». Faut-il s’en réjouir ? Je ne le pense pas, car cette tendance extrême en est venue à porter atteinte à la liberté individuelle et à la vie privée. Certes, il est nécessaire d’informer et de clarifier certains faits d’actualité, mais à condition qu’il y ait un intérêt réel à le faire, et non pas dans le but d’alimenter le voyeurisme, qui correspond selon moi à l’exact opposé du secret. L’idéal en la matière est donc de trouver un juste milieu.
Tout être humain a des secrets qu’il garde et souhaite garder au plus profond de lui, d’où la notion de « jardin secret ». Certains concernent des événements liés à sa vie privée ou à celle de ses proches ; d’autres se rapportent à des confidences qu’on lui a faites un jour ; d’autres encore sont liés à des situations dont il a été le témoin et dont il ne souhaite pas parler. Il en est également qui correspondent tout simplement à ses réflexions les plus intimes. En fait, il existe autant de secrets que de choses qu’il nous semble nécessaire de ne pas rendre publiques, ce qui ne veut pas dire pour autant qu’elles sont inavouables. Les garder secrètes est-il un crime ?
Au risque de vous étonner, voire de vous choquer, je pense que nombre de secrets ont leur utilité, notamment ceux qui concernent des faits ou des événements qui, s’ils étaient révélés, causeraient inutilement du tort, de la peine ou d’autres préjudices aux personnes qui en prendraient connaissance. Quoi qu’on en dise, toute vérité n’est pas bonne à savoir. À titre d’exemple, un secret de famille peut préserver sa cohésion et éviter de la voir se disloquer. Dans un tout autre ordre d’idée, un secret d’État permet parfois de protéger la population contre un danger, d’éviter une guerre civile, etc. Quant aux journalistes, si prompts à dévoiler les secrets des autres, ils considèrent comme une nécessité absolue de garder leurs “sources” secrètes.
De mon point de vue, ce n’est pas le secret en tant que tel qui pose vraiment problème, mais la raison pour laquelle il est tenu. Dès lors que ce n’est pas dans le but délibéré de nuire à autrui ou d’occulter des comportements qui portent gravement atteinte à autrui ou à la société, en quoi est-ce condamnable ou blâmable ? Je pense qu’il existe de beaux secrets, des secrets utiles, des secrets nécessaires, des secrets du cœur, des secrets de l’âme… Vous-même en avez certainement ! Et cela ne fait pas de vous une personne indigne pour autant, ce qui fit dire à Jean-François Deniau : «Le plus terrible secret de ce monde serait qu’il n’y ait aucun secret».
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