Dubois Dominique a dit :
Le brouhaha assourdissant dans lequel une grande partie de l’humanité est plongée exprime à mon sens l’écho hystérique de ses passions, de sa démence, de sa décadence et de son chaos. Il accompagne tambour battant la fuite en avant qui caractérise notre siècle et sert d’exutoire à la misère intérieure et au désarroi spirituel. Il bat la mesure des temps forts de la vie, de ses orgies, en nous faisant croire que seules les émotions, les sensations et les impressions féroces et furieuses nous permettent d’exister pleinement et peuvent combler nos divers appétits.
On ne parle plus, on hurle, on n’écoute plus, on s’abrutit, on ne partage plus, on s’isole, on n’accueille plus, on expulse, on ne se sustente plus, on se gave, on ne respecte plus l’autre, on vit pour soi, pour l’assouvissement de ses propres désirs. Le vacarme et l’agitation ainsi générés symbolisent la libération sauvage de l’ego du monde, sa folie des grandeurs, sa laideur, ses excès et sa frénésie. Cette description peut certes sembler quelque peu caricaturale. Cependant, rien ne semble résister à la manipulation généralisée des sens, si ce n’est quelques sages en quête de sacré et de plénitude et la prise de conscience très progressive d’un fléau auditif exponentiel.
Pour prendre l’exemple du langage, il suffit de se référer aux débats télévisés pour constater que, bien souvent, c’est celui qui parle le plus fort qui a malheureusement le dernier mot et qui reste entendu. Partout, les conversations déstructurées et totalement superficielles l’emportent sur un développement pourtant nécessaire à une expression correcte de ses propres idées et à une bonne compréhension de celles des autres, les commentaires fusant de toutes parts avant même d’avoir eu le temps suffisant pour terminer sa phrase. Les rires et les éclats de voix sont bien souvent tonitruants, inopportuns et disproportionnés. C’est à celui qui fera le plus de bruit pour prouver qu’il existe et persuader les autres, bien entendu, qu’il est plus intelligent que la moyenne. Dans les cinémas, la sono qui accompagne les bandes annonces et les films est absolument insoutenable, sans parler des flashs publicitaires et du fond sonore incessant lié à l’urbanisation et à la modernisation.
Paradoxalement, nombre de personnes s’engouffrent dans des centres de bien-être aux prestations très onéreuses et aux ambiances doucereuses pour fuir les turbulences et tenter de se ressourcer. Ils offrent leurs corps à toutes sortes de soins en espérant retrouver la paix de l’esprit, ce qui tend à démontrer qu’en dépit des apparences, le besoin de calme et de sérénité est une nécessité intérieure propre à tous les êtres vivants. Mais en réalité, ni le bien-être corporel ni la paix de l’esprit ne s’achètent, car pour se détacher du stress auditif et de ses nuisances, il suffit d’instaurer constamment autour de nous et en nous une ambiance feutrée propice au calme, au repos et à l’introspection.
Entrer dans le silence introspectif, c’est s’approprier l’intense allégresse du moment présent, préserver sa fragilité, sonder ses profondeurs, puis l’oublier en hydratant l’esprit de la brume fraîche et unique de la vérité. Au cœur de ce nid douillet où l’on est accueilli avec bienveillance et disponibilité, on devient soi-même accueillant, bienveillant et disponible, prêt à l’écoute. On y écoute le doux murmure d’une source, une petite voix aussi ténue et légère qu’une plume mais aussi sûre et fidèle que l’amitié véritable. On y perçoit le tintement cristallin d’un carillon qui présage une intuition. On y entend frémir la vie, s’installer la paix, prier l’espoir, éclore l’amour, et fleurir le passage qui guide nos pas vers la féerie de la lumière.
Ce silence-là ne s’accommode pas de l’angoisse du vide. Il emplit de confiance, démystifie le temps, savoure, sublime et vénère la solitude. Il est la clé de voûte de la méditation, de la prière et ouvre la voie de la contemplation. Dès lors, l’être intérieur fusionne avec le langage de la nature, le doux bruissement des feuillages, le frisson des lacs, le gazouillis des oiseaux, l’errance des nuages, les caprices de l’air, le rire des enfants, les mugissements lointains d’une bête oubliée, les vibrations de l’univers, la parole des hommes sensés. Le silence intérieur permet tout simplement d’entendre et de respirer la vie par le souffle de Dieu.
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