La philosophie rosicrucienne prône que le but de l’homme est d’atteindre la perfection. Mais un tel but est-il vraiment accessible ?
Lorsque l’on regarde l’état du monde actuel, avec ses guerres, ses conflits, ses crimes en tout genre, etc., on peut effectivement douter que l’humanité, sur un plan collectif, évolue vers la perfection. A priori, le même constat s’applique sur un plan individuel. En effet, on ne peut nier que l’être humain, tel qu’il est actuellement, est très imparfait dans ses jugements et dans son comportement. D’une manière générale, c’est l’orgueil, l’égoïsme, l’envie, l’intolérance, la médisance, etc., qui s’expriment le plus à travers les relations humaines. C’est précisément pour cette raison que le monde, dans son ensemble, est si chaotique et donne le sentiment de ne pas avoir changé en profondeur.
Cela dit, au-delà des apparences, il a beaucoup évolué au cours des âges, et ce serait une erreur de croire que les hommes d’autrefois étaient meilleurs que ceux d’aujourd’hui. Pour s’en convaincre, il suffit de se rappeler comment l’on vivait dans l’Europe du Moyen-âge, où les guerres, les conflits et les crimes étaient proportionnellement plus nombreux et tout aussi destructeurs qu’à notre époque. Si les militaires d’alors avaient possédé les mêmes armes qu’aujourd’hui, ce sont des peuples entiers qui auraient été à jamais exterminés. Quant au sens moral des populations de l’époque, il était fondé davantage sur des dogmes religieux que sur une éthique personnelle. Cela étant, on ne peut pas dire que les temps actuels “brillent” par leurs valeurs morales.
Si l’on peut douter a priori que le but de l’homme soit de devenir parfait, vous noterez pourtant que le désir de perfectionnement est inné en lui, même s’il n’en a pas nécessairement conscience à un moment donné de son évolution. Vous remarquerez d’ailleurs que nombre de personnes sont “perfectionnistes” et s’évertuent à donner le meilleur d’elles-mêmes dans ce qu’elles font. Ainsi, tel menuisier fait de son mieux pour parachever le meuble qu’il vient de créer, tel architecte se surpasse pour mener à bien son projet, tel sportif s’emploie à s’élever au plus haut niveau de sa discipline, tel musicien s’applique à devenir un virtuose, tel peintre rêve d’acquérir la maîtrise de son art, etc. Nous voyons donc que l’homme est enclin à rechercher la perfection dans ce qu’il entreprend, car il aspire plus ou moins consciemment à exprimer ce qui est beau, pur et harmonieux. À son époque, Platon lui-même faisait de la beauté, de la pureté et de l’harmonie des Idées archétypales. Cela suppose que le désir et le besoin de perfectionnement font partie intégrante de l’âme humaine, dans ce qu’elle a de plus divin. Le problème qui se pose à nous est de comprendre que ce n’est pas uniquement ce que nous faisons qu’il faut rendre aussi parfait que possible ; c’est également et surtout ce que nous sommes. Au regard de la philosophie rosicrucienne, c’est en cela que réside la raison de notre présence sur Terre, car si nous sommes incarnés, c’est dans le but de nous parfaire au moyen des expériences de la vie.
À partir du moment où l’on admet que le but de tout être humain est de devenir parfait à l’issue de son évolution spirituelle, on peut se demander ce qu’est la perfection. D’une manière générale, nous pouvons considérer que c’est l’état de conscience de toute personne qui manifeste, dans ses jugements comme dans son comportement, les vertus les plus nobles que l’on attribue à l’âme humaine. Vu sous cet angle, est donc parfait quiconque fait preuve en toute circonstance de patience, de tolérance, d’humilité, d’altruisme, de bienveillance, etc. Se pose naturellement la question de savoir si un seul et même individu peut en venir à manifester toutes ces vertus sur le plan humain. Si l’on est libre d’en douter, on doit néanmoins reconnaître que toute personne qui travaille sur elle-même pour y parvenir s’améliore nécessairement et contribue à rendre le monde meilleur. Un tel travail de perfectionnement est donc positif, à condition, naturellement, qu’il ne devienne pas une obsession et n’induise aucun sentiment de culpabilité à l’égard de nos défauts ou de nos faiblesses, car nous en avons tous. Cela revient à dire que même si l’on considère la perfection comme une vue de l’esprit, le seul fait de vouloir se parfaire est utile à soi-même et à autrui, et ce, quelles que soient les raisons qui nous poussent à nous améliorer. Précisons néanmoins que l’idéal est d’agir en ce sens avec la conviction que cela répond aux exigences de l’âme humaine et à la raison même de notre existence. En outre, cet objectif devient plus accessible et plus compréhensible dès lors que l’on admet le principe de la réincarnation, ce qui est le cas de la plupart des Rosicruciens.
Serge Toussaint
Grand Maître de l’Ordre de la Rose-Croix
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