Il est normal et naturel de regretter le temps qui passe et d’appréhender quelque peu ce que l’on appelle «le vieillissement». En effet, très peu de personnes sont heureuses de vieillir, car cela s’accompagne inévitablement d’un affaiblissement physique et souvent de maladies ou de troubles divers.À cela s’ajoute le fait que cette période de la vie mène à la mort, échéance à laquelle aucun individu, quelles que soient ses convictions religieuses ou autres, ne peut se soustraire. Or, même si l’on est croyant ou mystique, la perspective de quitter ce monde, et surtout les êtres qui nous sont chers, est néanmoins attristante, y compris pour les Rose-Croix.
Si l’on peut comprendre que tout individu aspire à être le plus longtemps possible en bonne santé, alerte et dynamique, on peut s’interroger sur l’obsession de vouloir rester jeune à tout prix au niveau des apparences physiques, non sans avoir parfois recours à la chirurgie esthétique ou autre subterfuge destiné à masquer le passage du temps. Outre qu’elle est sclérosante, une telle obsession traduit le plus souvent un profond mal-être intérieur, et elle est d’autant plus vaine que tout « rajeunissement » ne peut être que provisoire, de sorte que l’on doit accepter tôt ou tard les effets du vieillissement.
S’il y a des personnes qui refusent obstinément de vieillir, il faut reconnaître que la société actuelle cultive le jeunisme, au point qu’il est devenu un vecteur de sélection dans de nombreux domaines. On peut même dire qu’il fait désormais partie des facteurs de discrimination, notamment pour exercer ou continuer à exercer certaines professions. Cette dérive est le reflet du culte des apparences, lequel fait partie des « valeurs » matérialistes qui n’ont cessé de se développer au cours des dernières décennies. En tant que tel, il sert de fondement à tout un système économique qui n’a de cesse que de l’entretenir pour des raisons purement financières.
De mon point de vue, le jeunisme n’est pas seulement une dérive matérialiste contraire au bon sens et au déroulement naturel de la vie. Il est également une insulte à la jeunesse elle-même. Je veux dire en cela que ceux qui s’y livrent et l’entretiennent s’illusionnent, car les jeunes ne sont pas dupes. La plupart d’entre eux trouvent pathétiques et même ridicules les efforts que certains font pour « parler jeune », « danser jeune », et d’une manière générale « paraître jeune ». Il serait tellement plus simple et tellement plus enrichissant que chaque génération exprime et assume les caractéristiques qui lui sont propres.
Ce n’est pas dans la forme que l’on peut et que l’on doit s’évertuer à rester jeune, mais dans le fond. Autrement dit, nous devons accepter avec philosophie le vieillissement de notre corps physique (tout en nous efforçant de le maintenir en bonne santé), et entretenir la jeunesse de notre esprit. Comment ? En restant en phase avec notre époque sans pour autant en accepter les dérives, en restant ouverts à la nouveauté sans nous sentir obligés d’y adhérer, en privilégiant les échanges entre générations, en cultivant l’aptitude à nous émerveiller, etc. Lorsqu’elle n’est plus l’apanage du corps, la jeunesse est donc un état d’esprit, alors que le jeunisme est une posture qui tient autant de la mode que de l’opportunisme.
Serge Toussaint
Grand Maître de l’Ordre de la Rose-Croix
http://www.blog-rose-croix.fr/20101001a-propos-du-jeunisme/