Texte de Serge Toussaint
Grand Maître de l’Ordre de la Rose-Croix
Dans le langage courant, il est assez fréquent d’entendre dire à propos d’une personne que « c’était son destin » de rencontrer tel individu, de mener telle carrière, de vivre telle épreuve, de mourir de telle façon, etc. Chaque fois, on sous-entend par là qu’il devait en être ainsi pour cette personne, indépendamment de son comportement, de ses choix et de sa volonté. Vu sous cet angle, le mot « destin » renvoie à l’idée de prédestination et laisse entendre que certains événements marquants de notre vie, heureux comme malheureux, positifs comme négatifs, sont prédéterminés.
Dans ma compréhension, le destin n’est en aucun cas une négation du libre arbitre. D’une manière générale, il correspond au futur que tout être humain se crée lui-même par sa manière de penser, de parler et d’agir. C’est ainsi que de jour en jour, de semaine en semaine, de mois en mois, d’année en année, nos choix et le karma qui en résulte conditionnent ce que sera notre existence à venir. Dans la plupart des cas, le « fabuleux destin » de telle personne ou le « destin tragique » de telle autre ne doit rien au hasard, mais a un lien de cause à effet avec ce qu’elles ont fait dans leur vie. Si je précise « dans la plupart des cas », c’est parce que l’on ne peut exclure totalement une part de fatalité dans certains drames.
Dans le langage courant, les mots « destin » et « destinée » sont souvent employés comme synonymes. D’un point de vue mystique, ils n’ont pas la même signification. En effet, si le premier désigne l’avenir que tout être humain se crée au cours de son existence par les choix qu’il fait et le karma qui en résulte, le second correspond à l’état de sagesse que tout individu est destiné à atteindre à l’issue de son évolution spirituelle. Nous pouvons comparer cet état au sommet d’une montagne symbolique. Que nous en soyons conscients ou non, nous cheminons tous vers ce sommet. Ce qui varie entre nous, c’est le temps (plus ou moins long) que nous mettrons pour y parvenir, et les conditions (plus ou moins heureuses) dans lesquelles ce cheminement se déroulera.
Conformément aux explications précédentes, nous ne choisissons pas notre destinée ; celle-ci fait partie intégrante du Plan divin et consiste, pour tout être humain, à atteindre l’état de sagesse, c’est-à-dire à exprimer la perfection latente et virtuelle de son âme, dans sa dimension la plus divine. Eckartshausen a bien résumé cela : « Avancer vers la perfection ; voilà le vrai bien. Et le vrai bien, c’est le but de notre destinée. »
Étant donné que l’on ne peut accéder à un tel état en une seule vie, il en faut plusieurs pour y parvenir, d’où la doctrine de la réincarnation, à laquelle adhèrent la plupart des Rosicruciens. Précisons en effet que cette doctrine n’est pas un dogme dans l’A.M.O.R.C. et que chacun est libre d’y souscrire ou non.
Comme on peut le comprendre, plus une personne est évoluée spirituellement, plus son destin se confond avec la destinée commune à tous les êtres humains. Sa manière de penser, de parler et d’agir est alors de plus en plus conforme aux lois naturelles, universelles et spirituelles, de sorte que ses jugements et son comportement sont de plus en plus empreints de sagesse. Parvenue à ce niveau de conscience, sa vie est celle, sinon d’un Maître, du moins celle d’un Initié de haut rang. Pour reprendre l’analogie précédente, elle est très proche du sommet de la montagne de la Réalisation. Dès lors, elle a une vision des choses qui transcende celle du commun des mortels. Dans le Bouddhisme, on dit qu’elle a atteint l’état de « Arhat » ou de « Bodhisattva ». Dans le Rosicrucianisme, on parle de l’état de « Rose-Croix ».
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