Texte de Serge Toussaint
Grand Maître de l’Ordre de la Rose-Croix
Dans les pays dits développés, la société accorde de plus en plus d’importance au luxe et encourage les gens à le rechercher : maison de luxe, hôtel de luxe, voiture de luxe, bateau de luxe, article de luxe, produit de luxe… Quel que soit le domaine concerné, le luxe nécessite des moyens financiers que tout le monde n’a pas. Or, il est avéré que de plus en plus de personnes le consomment sous une forme ou sous une autre, y compris parmi celles qui n’ont pas (vraiment) les ressources financières adéquates. Cela suppose que nombre d’entre elles s’endettent ou se privent de l’essentiel pour satisfaire tel ou tel désir de luxe.
Pour justifier l’attrait que le luxe exerce sur un nombre croissant d’individus, certains diront qu’il répond à un droit légitime auquel tout être humain devrait avoir accès, et que c’est une bonne chose qu’il se « démocratise ». Ce point de vue, auquel chacun est libre de souscrire, élude à mon avis la vraie question qui se pose en la matière, à savoir : le luxe est-il une nécessité pour être heureux et connaître le bonheur ? De toute évidence, la réponse est non. Pour s’en convaincre, il suffit de penser à tous ceux et à toutes celles qui mènent une vie luxueuse et qui néanmoins sont tristes et malheureux.
Dans certains de ses aspects, on ne peut nier que le luxe est un gage de qualité, de beauté et de raffinement, ce qui ne veut pas dire, naturellement, que la qualité, la beauté et le raffinement ne se trouvent que dans le luxe. Mais trop souvent, celui-ci sert également à mettre en évidence un rang social élevé et à « briller » par les apparences. Il devient alors la vitrine d’une certaine vanité et d’un certain snobisme, et confine à l’indécence. « Étaler » sa richesse et faire du luxe un faire-valoir dénote à la fois un manque d’intelligence et un manque de considération à l’égard des pauvres et des plus défavorisés. Malheureusement, la société actuelle banalise et encourage ce genre de comportement.
Il est naturel et légitime de rechercher et d’apprécier ce qui est bon, beau, confortable, agréable, etc. Cela répond à un désir inné de l’âme humaine, ce qui explique pourquoi tout individu aspire à améliorer sa condition et à être heureux. Et lorsque l’on a la chance et le privilège d’être comblés sur le plan matériel, au point de vivre dans le luxe ou d’y avoir accès de temps à autre, on devrait songer à remercier régulièrement, sinon la Divine Providence, au moins la Vie elle-même. Plus encore : on devrait avoir à cœur d’aider ceux qui sont dans le besoin et qui n’ont pas même le nécessaire pour vivre décemment.
L’accès au luxe a toujours été considéré comme une marque de réussite sociale. Pourtant, «réussir dans la vie» n’est ni un but en soi ni un gage de bonheur. Ce qui l’est, c’est de «réussir sa vie», c’est-à-dire d’en faire le support d’une quête de sens et de réalisation intérieure, au contact des autres. Pour cela, nul n’est besoin de vivre dans le luxe, et encore moins d’en faire étalage. Au plus profond de lui-même, tout individu sait que la vraie richesse ne se situe pas dans l’avoir et le paraître, mais dans l’être. Aussi longtemps que l’on ne se conforme pas à cette vérité, on se ment à soi-même et on ne peut être heureux, aussi riche et célèbre soit-on.
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