Il y a peu de temps, j’ai vécu une période difficile : ma fille, qui a toujours eu le triste talent de faire souffrir son entourage, m’a fait subir une machination qui m’a bouleversée, lors d’un séjour chez elle. Ce n’était pas la première fois, mais disons que cette fois-ci, elle avait fait fort. J’étais déchirée, écœurée, démunie.
De retour chez moi, j’ai vécu une situation à laquelle je ne m’attendais pas : chaque matin, dès mon réveil, je baignais dans le chagrin. Un chagrin bien installé, comme s’il s’était invité à mon insu. Tout ce qui me rendait heureuse en me levant, tous mes bonheurs quotidiens se sont colorés de tristesse. Même si je ne pleurais pas physiquement, j’avais l’impression de voir le monde à travers des lunettes de larmes. Le chagrin inondait chaque recoin de mon être, chaque petite pièce de ma maison intérieure. Comme une rivière qui sort de son lit.
Ce n’était pas tenable, j’allais m’y noyer. Je me suis demandé : comment cohabiter avec ce chagrin qui s’invite partout, dans chacune de mes actions?
Je me suis mise à penser à mon chagrin comme on penserait à une personne. Il était comme une sorte d’invité. Un invité un peu envahissant, certes, mais un invité quand même, digne de respect. Alors j’ai ressenti de l’amour pour ce chagrin, et j’ai voulu en prendre soin, pour lui et pour moi. Une idée m’est venue : pour que mon «invité» et moi puissions cohabiter en bon «voisinage», il fallait que je lui aménage une pièce dans ma maison intérieure. Une pièce rien qu’à lui, une pièce dans laquelle il se sent bien.
Cette pièce, je l’ai appelée : «la chapelle à chagrin». Le mot «chapelle» était important; il n’était pas question de reléguer mon chagrin à la cave ni aux oubliettes. Non, il n’était pas question de l’oublier ou de l’enterrer, mais de le visiter, de l’honorer, quand je m’en sentais l’envie et la force. Il lui fallait donc un lieu ravissant, un lieu accueillant où je pouvais venir pleurer en sa compagnie. J’ai imaginé la chapelle petite et ronde, en pierres blanches, avec des hortensias bleus à l’entrée. C’était coquet :-) J’ai dit à mon chagrin : «Bienvenue chez toi!».
J’ai respecté mon engagement. Régulièrement, je suis allée le visiter. Régulièrement, je suis allée lui rendre hommage en «déposant» un hortensia bleu sur l’autel. Régulièrement, je me rendais dans cet endroit intérieur, où j’avais érigé cette chapelle, et je pleurais ce que j’avais besoin de pleurer. Puis, je «refermais la porte» de l’édifice, et je m’en retournais à ma vie.
Au bout de quelques mois, eh bien, il s’est passé quelque chose d’incroyable : j’ai senti le chagrin s’en aller de mon cœur comme une mer qui se retire. Il s'était installé chez lui, dans la chapelle. Les lunettes de larmes sont tombées. Et j’ai pu reprendre ma vie normalement. Vivre à nouveau des matins heureux, remplis de chants d’oiseaux, des matins aux odeurs de café et de pain grillé.
:-) Depuis, la chapelle est vide. Mais il me plaît de savoir que j’ai en moi un lieu sacré où je peux accueillir les bouleversements de la vie avec toute l’attention qu’ils méritent, tout en me protégeant de leurs éclats.
Ludivine, France
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CITATION
«Parfois, ne pas obtenir ce qu'on désire est
un merveilleux coup de chance.»
Dalaï-Lama